L'histoire
Aussi étrange que cela puisse paraitre, j’ai rencontré mon projet dans un hall de gare. Gare de Lyon, plus précisément. Nous sommes en 2016, j’ai 47 ans, j’ai survécu à un divorce douloureux en assumant la charge de mes 4 enfants, mon entreprise traverse une zone de turbulence et nous découvrons avec ma nouvelle épouse et mon 5° garçon, les vicissitudes de la famille recomposée. Dépassé par tous ces évènements qui s’enchainent, je décide alors de me rendre dans la Drôme provençale, pour une semaine de jeûne, une semaine, seul face à moi-même, une semaine nécessaire pour prendre un peu de recul.
J’ai quelques minutes avant le départ du train et je cherche un livre dans les kiosques du hall. Je feuillette, je lis les résumés au dos des livres, j’observe les couvertures quand un livre attire mon attention. Allez savoir pourquoi. Je lis les premières lignes, je le retourne, je lis le résumé. Histoire d’une transition de vie suite à une séparation, histoire d’une reconversion professionnelle, histoire de cuisine ou plutôt de pain. Ça me parle tout de suite. Je saisis le livre, je le paie et je saute dans mon train pour Valence.
« La petite boulangerie de l’autre bout du monde ».
Ce sera mon livre de chevet pour la semaine. Léger, agréable à lire, tout à fait adapté à mon état de jeuneur. Je me laisse donc glisser dans cette histoire quand je tombe sur ce passage :
« …elle aurait un travail, un vrai. Et si différent de l’ancien ! Elle fabriquait du pain, elle le vendait, c’était tout. Elle repensa au temps où Chris et elles travaillaient ensemble ; à leur intarissable boniment pour décrocher des contrats, à ces nuits épuisantes à discuter boulot, à essayer d’obtenir une validation, à tout planifier, à s’adapter aux changements incessants et aux millions de façons de faire.
Ici au contraire, si les gens voulaient un petit pain, ils achetaient un petit pain. S’ils voulaient une baguette, ils la prenaient. S’ils n’en voulaient pas, ils n’en achetaient pas. Il y avait quelque chose de terre à terre, d’infiniment réel dans cette transaction. Si elle ne faisait pas de pain, elle ne serait pas payée et par conséquent elle ne gagnerait pas d’argent. Si elle en faisait et qu’il était bon, les clients reviendraient – certains étaient même prêts à acheter une maison pour se rapprocher de sa boutique. Soudain, là, dans la petite boutique de Beach Street, tout devenait possible. Vraiment possible. »
A ce moment précis, c’est comme si les pièces dispersées du puzzle de ma vie s’étaient naturellement assemblés comme aimantés par une révélation.
Mais oui, c’est évident, devenir boulanger, c’est ça que je veux faire !